Quand on demandait à Claudio pourquoi il n’aimait pas la glace, il répondait par une boutade :
– « Mais si ! J’aime bien les ‘gelati’ ! C’est l’eau que je n’aime pas, l’eau sous toutes ses formes : en pluie, en neige, en glace…! »
Parfois, il se contentait de répondre :
-« La glace ? Ça glisse ! »
Freddy Depadt raconte :
« Mauvais sur la neige ? Pas du tout. Selon moi, Claudio ne mérite pas cette réputation ! En 1968, nous avons fait ensemble l’arête de Rochefort. L’arête était fort enneigée. Tout s’est passé le mieux du monde, dans un très bon horaire. Au retour, en arrivant au pied de l’Aiguille du Géant, Claudio voulut en faire l’ascension. Je n’étais guère tenté, me sentant un peu fatigué par la course. Et Claudio décida d’y aller en solo. Je l’attendis au pied de la voie, tandis que, à toute allure, il s’offrait ce « 4000 ».
En fait, il faudrait nuancer. Ce qui intéressait Claudio, c’était l’escalade pure, la verticalité, l’ambiance du grand vide. Ces sensations, il ne les retrouvait évidemment pas dans les courses de neige ou de glace. Et par-dessus tout, il détestait les chutes de pierre, les séracs menaçants, les pentes avalancheuses. Tout était donc pour lui d’abord une affaire de choix. Car, crampons aux pieds, il se débrouillait très correctement. »
Que l’on se rappelle ce qu’écrivit Gaston Rébuffat sur son ascension de la face nord de la Cima Grande, avec Gino Soldà (1) :
« N’allez pas au Cervin dans l’espoir de faire une intéressante escalade de rocher ; son charme est ailleurs : dans son histoire et dans son allure. Dans les Dolomites, il est presque toujours inutile d’avoir un piolet à la main ; faites plutôt un pacte avec le vide effrayant qui sera votre compagnon le plus proche dans l’ascension d’un spigolo ou d’une grande paroi. Ailleurs, les parois sont abruptes, parfois très raides ; ici, elles sont géométriquement verticales, et certaines, non moins géométriquement, surplombantes. (…)
Du grand vide monte (…) une joie que je ne connaissais pas, une joie que ne peuvent procurer les parois granitiques, raides mais non verticales sur des centaines de mètres. Et cette joie naît plus singulièrement de la forme de la paroi que nous gravissons. »
C’est la recherche de ce sentiment-là, l’attrait du grand vide, qui manifestement animait Claudio.
Il recherchait précisément ce que Comici avait exprimé dans son fameux commentaire de sa première solitaire de la Cima Grande : la « volupté » de vaincre seul le vide et le surplomb.
(1) Gaston Rébuffat, Etoiles et tempêtes, Ed. Arthaud