Claudio était maniaque au point de ne pouvoir tolérer qu’on touche à ses objets personnels sans en avoir demandé la permission auparavant. Je n’aurais jamais risqué de prendre un livre ou d’ouvrir une porte.
Si j’avais envie de regarder un livre, je le lui demandais. Il m’envoyait alors me laver les mains, puis il contrôlait qu’elles fussent bien sèches, il me faisait asseoir commodément sur son divan lit, prenait lui-même le livre, et le déposait avec précaution sur mes genoux. Il surveillait que je ne froisse pas les pages, que je ne mouille pas l’index pour les tourner, et que je n’ouvre pas trop le livre pour ne pas risquer d’en briser la reliure…
« Tu comprends, disait-il, les gens sont brutaux, ils ne respectent rien, ils tirent le livre de l’étagère, crac, arrachent le dos, et quand le dos est déchiré, il n’y a plus rien à faire, c’est un dégât irréparable. Ils se lèchent l’index pour tourner les pages et répandent leur salive puante qui laisse des taches indélébiles sur le papier! »
Anne Lauwaert