En Belgique, en dehors d’un petit cercle du Club Alpin, Claudio ne bénéficia jamais d’aucune notoriété malgré la haute qualité de ses exploits sportifs. Il en souffrit.
Son exploit du 24 août 1961 aux Cime di Lavaredo ? Aucune trace à l’époque dans les publications du Club Alpin Belge ! Qui dit mieux ?
Par contre, le Bulletin du C.A.B. mentionne, dans son numéro de septembre 1961, une ascension du Roi Léopold III effectuée le 26 août au Mont Cimone, avec un guide, « lequel aurait déclaré que le Roi Léopold savait grimper « tout comme son père » ».
En 1969, alors que Claudio avait à son actif tant de grandes et magistrales réalisations en solitaire, un journal belge, qui n’avait jamais parlé de ces exploits, titra, lors d’un reportage sur un rassemblement international d’alpinistes organisé par le Club Alpin Belge :
« L’exploit d’un alpiniste belge : Claudio Barbier a grimpé seul et sans être encordé, 120 mètres à Freyr en une demi-heure »
Pas un mot sur ses ascensions dans les Dolomites ou ailleurs. Mais réaliser ce solo à Freyr, cela, pour ce journal si bien renseigné, c’était un réel exploit !!!
Claudio avait un grand sens de l’humour, mais il faut bien constater que ce genre de « reconnaissance » dépassait la limite de la décence.
Il en a souffert.
Même si, l’année suivante, paraissait un article plus documenté (Le « rocher » belge, c’est du solide !) présentant Claudio comme étant « depuis 12 ans à l’avant-plan de l’alpinisme belge ».
En Belgique, en fait, l’alpinisme a-t-il jamais été vraiment estimé à sa juste valeur ? On peut en douter !
C’est ainsi, par exemple, qu’en 1966 Jean Bourgeois participa à une expédition au Noshaq (7492 m) qui, après la difficile victoire au sommet, se termina mal : avalanches, tempête, des blessés et un mort. Jean Bourgeois, blessé, en perdition à haute altitude avec un compagnon épuisé, abandonné par l’expédition qui, au camp de base les considérait tous deux comme morts, parvint malgré ses fractures à désescalader la montagne et à sauver ainsi son compagnon d’infortune. Formidable exploit. Les journaux belges écrivirent à ce propos : » Si on tient compte non seulement de sa valeur sportive, mais encore de sa signification humaine, la performance de Jean Bourgeois mérite sans aucun doute le Trophée du Mérite Sportif. » Le Trophée du Mérite Sportif est un hommage rendu chaque année au sportif belge le plus méritant. Cette année-là il ne fut pas attribué au grand alpiniste Jean Bourgeois, mais à Raymond Ceulemans, un joueur de billard ! (1)
Claudio en fut outré et considéra l’affaire comme une insulte à l’alpinisme et à la montagne. Dix ans plus tard il répétait, avec encore autant de hargne, qu’il aurait été heureux de recevoir lui-même cette distinction, uniquement pour le plaisir de pouvoir la refuser.
Ces propos n’étaient que l’expression d’une amertume profonde…
À noter cependant que l’administration belge des sports, tant du côté francophone que du côté flamand (cette matière ayant été « communautarisée », c’est-à-dire fédéralisée), fit appel à Claudio (parmi d’autres) pour l’organisation des premiers cours et certificats de moniteurs « premier de cordée ». C’est ainsi que l’administration flamande des sports ayant engagé Claudio comme moniteur au « BLOSO », celui-ci y donna cours pendant plusieurs mois. Mais le job était assorti de contraintes, et Claudio n’aimait pas ces contraintes…
(1) En 2005 – 2006, la Poste belge eut une attitude semblable. Sollicitée pour éditer un timbre consacré à Claudio Barbier (dossier argumenté à l’appui), elle nous a répondu par un refus poli, considérant que le sujet ne présentait pas suffisamment d’intérêt. Et le choix de la Poste se porta sur l’édition d’une série de timbres illustrant 14 champions belges… de billard !