Vingt-quatre nations avaient envoyé leurs représentants à ce Rassemblement International qui se tient tous les deux ans à l’Ecole Nationale de Ski et d’Alpinisme à Chamonix. Deux alpinistes choisis parmi les plus marquants de leur pays représentaient l’Afrique du Sud, l’Allemagne, l’Angleterre, l’Autriche, la Belgique, la Bulgarie, l’Espagne, les Etats-Unis, la Finlande, la Grèce, la Hollande, l’Iran, l’Italie, le Japon, le Mexique, la Norvège, la Pologne, la Roumanie, la Suède, la Suisse, la Tchécoslovaquie, l’URSS et la Yougoslavie. La France avait délégué quatre alpinistes-interprètes: Jean Frehel, Dominique Leprince-Ringuet, Claude Deck et Jérôme Brunet.
La direction du Rassemblement était assumée par Jean Franco, Directeur de l’ENSA, et les alpinistes profitaient des conseils de quatre guides mis à leur disposition: André Contamine, Lionel Terray, Yves Pollet- Villard et Georges Payot. Claudio Barbier et Jean Bourgeois représentaient la Belgique. Rappelons qu’il y a deux ans, Hubert Leclercq et Michel Tamigneaux étaient délégués, tandis qu’en 1961 ce rôle était départi à André Van de Maele et Jean Bourgeois.
Le séjour à l’ENSA, du 12 au 31 juillet, fut marqué par une ambiance vraiment excellente, mais malheureusement par un mauvais temps persistant. Mais quelques belles courses furent néanmoins réalisées dans le cadre de ce Rassemblement, qui comptait quelques cordées de toute première force.
Durant la première semaine il y eut quelques jours de beau temps et les courses rocheuses bien exposées furent réalisables. Les Autrichiens attaquèrent immédiatement la face ouest des Petites Jorasses qu’ils gravirent en 8 h 30′, les Anglais suivis des Américains réussirent une voie nouvelle dans la face sud-ouest du Cardinal, les Allemands gravirent la face est du Grand Capucin et les Français Deck et Brunet l’arête sud de l’Aiguille Noire de Peuterey. Quant aux Belges, après une ascension du Chardonnet par l’arête Forbes en 10 h par très mauvaise neige, ils escaladèrent en compagnie de Lionel Terray la voie Contamine à la face est du Moine. Les Français Frehel et Leprince-Ringuet attaquèrent la face sud de l’Aiguille du Fou, comptant bien en réaliser la seconde ascension, mais le mauvais temps les contraignit à la retraite après le premier bivouac. Les Japonais, très forts en glace, firent l’ascension du Mont-Maudit par l’arête sud-est, certainement par très mauvaises conditions. Mais quelques jours plus tard, le Rassemblement était endeuillé: l’un de ceux-ci se tuait stupidement sur le sentier reliant le Montenvers au Plan.
Au début de la deuxième semaine, il y eut également deux jours de beau temps et de nombreuses courses rocheuses furent réalisées. Citons: la face est du Grand Capucin par les Américains, les Italiens, les Bulgares et les Belges Claudio Barbier et Jean-Marie Gresse du stage des Houches; la face ouest de Blaitière par les Espagnols; la face ouest des Petites Jorasses par Lionel Terray et Jean Bourgeois. Les Allemands durent sortir à l’arraché du Pilier Bonatti au Dru, car le mauvais temps revint vite, et les Français Frehel et Leprince-Ringuet durent à nouveau abandonner dans la face sud du Fou. Le mauvais temps persistant, Lionel Terray demanda à Jean Franco l’autorisation de partir au Vercors avec quelques alpinistes du Rassemblement. Le ciel y est couvert, mais au moins il n’y pleut pas! Cinq grimpeurs accompagnaient Terray : l’Américain Lito Flores, l’Anglais CJS Bonington, le Français Jean Frehel et les Belges Claudio Barbier et Jean Bourgeois. En deux jours, ils réussirent quatre belles voies: un groupe comprenant les Belges gravit la voie Berardini-Paragot à la Pelle et l’éperon nord-est du Mont- Aiguille, tandis que l’autre groupe réussit la voie Livanos au Jardin du Roy et l’éperon sud du Mont-Aiguille. Pendant ce temps, les alpinistes restés à Chamonix furent contraints à une inaction totale, tant le temps fut pluvieux.
Déjà la dernière semaine! Le temps passe et les alpinistes voient leur saison bien loin d’être « amortie ». Les Français, après leur double échec du Fou, sont écœurés et partent pour les Dolomites. Deux jours de beau, la dernière chance de réaliser une belle course! Les Autrichiens escaladent la face ouest de Blaitière, les Espagnols et les guides Pollet-Villard et Payot la face ouest de la Noire de Peuterey et les Russes le Pilier Bonatti au Dru. Les Polonais réussissent dans de difficiles conditions l’ascension de la face nord de l’Aiguille du Triolet: ils durent tailler sur vingt-cinq longueurs de corde! Ce fut la seule grande course de glace réalisée durant le Rassemblement et l’on en conçoit la raison. Une cordée américano-suisse doit abandonner à la Sentinelle Rouge au Mont-Blanc, suite à une blessure, et deux cordées franco-belges parties un jour trop tard doivent effectuer une retraite à la face sud de la pointe Gugliermina. Pour terminer en beauté, une cordée anglo-américaine réussissait une voie nouvelle à la face ouest de l’Aiguille du Plan.
Le Rassemblement se termina par un buffet froid qui réunit tous les alpinistes dans une ambiance fraternelle. Comme le faisait remarquer M. Lucien Devies à cette occasion, nous avons réussi à petite échelle ce que les grandes conférences internationales se sont révélées incapables de construire.
Nous tenons à remercier vivement le Haut Commissariat à la Jeunesse et aux Sports, la Fédération Française de la Montagne et M. le directeur de l’ENSA sans qui ce Rassemblement International n’eût pas été réalisable.
Claudio BARBIER
Jean BOURGEOIS
Extrait de « Ardennes et Alpes », revue du C.A.B., 1965