L’alpinisme belge ? Il se porte bien, merci.
Le Club alpin belge, fondé en 1833, compte 1300 affiliés.
Bien sûr, il y a là pas mal de membres honoraires, de sympathisants, d’amateurs de randonnées plus touristiques que sportives et des… skieurs.
Mais, compte tenu de cette réserve, le chiffre des pratiquants reste joli pour un pays réputé plat. Plat ?
Pas tellement : une visite au site classique et bien connu d’entraînement de Freyr vous en convaincra.
Freyr, entre Dinant et Givet, c’est le principal rocher-école de nos grimpeurs. A 115 mètres au-dessus de la Meuse, il offre 80 mètres d’escalade que vous pourrez entreprendre par près de 250 voies différentes, les unes servant aux débutants, les autres permettant aux spécialistes chevronnés de conserver la forme.
Tout en restant membres du Club alpin belge, les meilleurs d’entre eux ont fondé récemment le «Groupement belge d’Alpinistes» : un club très fermé, puisque l’admission est réservée à ceux que, par analogie avec le tennis, on pourrait appeler les «séries A» de nos alpinistes.
Mais avant-guerre déjà, l’alpinisme belge n’était pas à sous-estimer. Ainsi, au grand âge auquel il entreprit ses courses les plus difficiles, le roi Albert y fit preuve d’une adresse qui le classait parmi les meilleurs spécialistes. Sa réputation en la matière ne découle donc pas d’un patriotisme mal compris.
Ajoutons à cela, l’expédition de 1932 au Ruwenzori, celle à l’Alpamayo (Amérique du Sud) en 1951, la première ascension féminine du Grand Capucin du Tacul par Simone Renard et André Capel (en 1955), l’ascension de la face ouest du Dru par Focquet et Duchesne (à 49 ans!) en 1959 et, dans une note plus tragique, l’expédition au Groenland, en 1961, où périrent quatre de nos compatriotes.
Plus près de nous, Jean Bourgeois devint en 1966 «le Belge le plus haut» en gravissant les 7.500 mètres du Noshaq, aux confins de l’Afghanistan et de l’URSS.
C’est à Claudio Barbier – depuis 12 ans à l’avant-plan de l’alpinisme belge – que nous avons posé une question un rien puérile, mais qui viendra à l’esprit de bien des profanes :
– Le point culminant du globe, l’Everest (8.845 mètres), a été vaincu par Tensing et Hillary en 1953.
De même, les quatorze sommets de plus de 8.000 m ont tous été gravis. Ne craignez-vous pas, dès lors, que, tout étant fait, l’alpinisme soit désormais privé d’indispensables stimulants ?
– Absolument pas. D’abord, on ne parle plus de la première d’une montagne mais de son ascension par telle ou telle voie : en décomposant les cônes par faces, on retrouve des difficultés et bien des sujets d’enthousiasme et de conquête.
Ensuite, cette notion de compétition et de record, chère au grand public, est étrangère aux joies profondes de l’alpinisme et au contact individuel et souvent solitaire de l’homme et de la montagne…
– L’alpinisme n’est-il pas une discipline inutilement dangereuse ?
– Quatre cents morts par an, c’est beaucoup. Mais c’est peu si l’on tient compte de ce qu’il y a là un grand nombre d’imprudents cueilleurs d’edelweiss. D’autre part, il est rarissime que des sauveteurs soient accidentés en se portant – volontairement – au secours de chevronnés en détresse. D’ailleurs, ceux-ci ont avant tout le souci de diminuer au maximum la part de risques que comporte toute entreprise…
Jean-Claude BROCHÉ.
(Photos : Guy MEAUXSOONE)