QUE S'EST-IL PASSÉ À MARCHE-LES-DAMES LE 17 FEVRIER 1934 ?
7. Première objection :
Il est médicalement établi que la mort d'Albert est survenue à un moment situé entre 14h et 18 h.

Dans l'hypothèse où le Roi décède à Bruxelles, les événements vont nécessairement se succéder de la manière suivante : après un premier moment de consternation, au cours duquel un médecin est appelé, la décision est prise de maquiller le décès en accident d'escalade ; il s'agit tout d'abord de prendre des mesures pour éloigner le personnel et les tiers éventuels présents au château (et cela, sans éveiller de soupçons) ; des contacts sont pris pour trouver et réunir les personnes, bénéficiant d'une confiance absolue, capables d'orchestrer et d'exécuter la "mise en scène" ; le corps du Souverain reçoit les soins nécessaires et est revêtu d'un équipement d'escalade ; aucun détail n'est négligé ; le corps est ensuite chargé discrètement dans un véhicule, conduit jusqu'au plateau de Boninne, porté jusqu'aux abords des rochers, descendu avec précaution dans la ravine, hissé sur la plateforme de l'Aiguille, jeté dans le vide…

On peut, en calculant au plus juste, estimer à trois heures trente le temps minimum nécessaire pour la mise au point et l'exécution de ce "scénario".

En supposant que le décès se soit produit ailleurs, dans une demeure des environs de Marche-les-Dames par exemple, ou même sur le plateau de Boninne, le laps de temps nécessaire serait à peu près le même. Le valet aurait dû téléphoner au Palais ; recevoir des instructions ; ne sachant pas conduire, il aurait dû attendre sur place l'arrivée des exécutants venus de Bruxelles (car on imagine mal que, de Bruxelles, on ait pu confier à n'importe qui, par téléphone, l'exécution de la macabre mise en scène). Et le délai eût été plus long encore si, pour téléphoner, le valet avait dû parcourir à pied une certaine distance…

Même dans l'hypothèse la plus favorable (décès du Roi à 14 h précises, déroulement des opérations effectué sans le moindre retard, sans le moindre obstacle, sans la moindre anicroche), il paraît donc certain que le corps n'aurait pas pu être lancé dans la ravine avant 17 h 30, voire 18 h. Avec le risque considérable de voir le corps du Roi débouler jusqu'à la route en cette fin de journée, ce qui aurait évidemment été impossible à expliquer dans le cadre d'un accident censé être survenu bien plus tôt dans la journée, eu égard à l'agenda du Souverain ce jour-là. Vu la raideur de la pente, ce risque ne pouvait être ignoré ou sous-estimé par les protagonistes chargés de la besogne… On peut donc en conclure que, dans le cadre d'une mise en scène, on aurait veillé à précipiter le cadavre ailleurs, au pied de rochers moins proches de la route.
Deuxième objection : Il semble établi que c'est vers 17 h 30 (ou même un peu plus tôt) que Van Dycke ait commencé les recherches avec les trois personnes rencontrées sur le plateau de Boninne.

Si l'on tient compte de la distance séparant la ravine de l'endroit où Van Dycke a rencontré ces personnes, il faudrait donc supposer que le valet ait quitté les lieux de la mise en scène bien avant que le corps ne soit "balancé" dans la ravine. Est-il imaginable que l'on ait pu prendre le risque de faire débuter les recherches avant que la sinistre opération ne soit entièrement terminée ?
Troisième objection : Il faut également tenir compte de la taille et du poids du Roi. Le transport du corps et sa descente dans la ravine nécessitaient vraisemblablement le concours d'au moins quatre personnes, plus une cinquième en avant-garde ou en couverture. Même dans les bois, un tel cortège pouvait être aperçu de loin… Malgré la saison, le risque de rencontrer quelqu'un ne pouvait être ignoré : forestier, ramasseur de bois, chasseur, braconnier (la forêt domaniale passe pour être très giboyeuse)… C'est d'ailleurs ce qui s'est passé : dès le début de ses recherches, Van Dycke a rencontré trois ramasseurs de bois.
Pouvait-on vraiment prendre le risque d'un transport aussi peu discret alors qu'il faisait encore jour ? C'eût été insensé !
Par ailleurs, comment s'assurer de la discrétion totale de tous les acteurs de cette opération ?
Quatrième objection, une objection majeure : Si l'on voulait faire croire à un accident d'escalade, pourquoi aurait-on pris la peine de hisser le corps du Roi, péniblement, jusqu'à la plateforme de l'Aiguille pour ensuite le jeter au pied de celle-ci ? Vu la taille et le poids du Souverain, une telle opération était compliquée et nécessitait beaucoup d'efforts. Pourquoi cette complication et ces efforts, alors qu'il eût été beaucoup plus aisé de contourner l'Aiguille par la droite, d'atteindre en quelques mètres, sans la moindre difficulté, en terrain quasiment plat, le sommet de la "Cheminée Louise" et, de là, jeter le corps dans le vide ?


Outre la facilité que présentait cette manière d'agir, elle offrait d'autres avantages : la "Cheminée Louise", haute et très raide, était une voie d'escalade fréquemment parcourue par les alpinistes de l'époque, y compris par Albert ; le corps se serait écrasé au pied du rocher après une chute bien plus importante que depuis la plateforme de l'Aiguille, et l'endroit où il s'écrasait était invisible de la route…
 
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